DESCARTES (INDRE-ET-LOIRE)

Duo comique : de la ferme aux Folies Bergère, le fabuleux destin des Bodin’s

AFP

17 juillet 2012

AFP

DESCARTES (Indre-et-Loire) - Leurs spectacles affichent complet des mois à l’avance. L’un de leurs sketchs a été vu plus de 5 millions de fois sur Youtube. Loin du circuit médiatique habituel, le duo comique des "Bodin’s" suscite un engouement croissant qui dépasse désormais les frontières.


Dix-huit ans après la naissance des Bodin’s en région Centre, le bébé affiche une santé éclatante : les places s’arrachent, en province comme à l’Olympia ou au Palais des Glaces à Paris, où ils ont joué pendant quatre mois d’affilée l’an dernier. Leurs sept DVD se sont vendus à quelque 800.000 exemplaires au total, des centaines de milliers de personnes ont vu chacun de leurs spectacles ou leurs deux longs-métrages.

Leur sketch consacré à "Face de bouc" (Facebook), a été visionné plus de 5,3 millions de fois sur Youtube. Des fan-clubs se sont créés à Madagascar, en Finlande...

"On a même eu des soldats en Afghanistan qui nous ont écrit en disant que nos DVD les aidaient à tenir", s’amuse Vincent Dubois, en duo avec Jean-Christian Fraiscinet. "Depuis le sketch sur Facebook, on a même des ados qui viennent au spectacle", s’étonne ce dernier.

Après une heure de maquillage, Vincent, 48 ans, devient Maria Bodin, 87 ans, paysanne tyrannique et attachante. Jean-Christian, 47 ans, campe son fils unique Christian, la cinquantaine un peu niaise, vieux garçon qui vit avec elle.

Comme chaque été depuis huit ans, les Bodin’s s’installent en juillet dans une ferme de Descartes (Indre-et-Loire) - Vincent est originaire d’un village voisin - pour un mois de représentations devant un millier de spectateurs, à ciel ouvert et guichets fermés.

"Des anti-héros"

La recette de leur succès, largement dû au bouche à oreille : des personnages récurrents, un humour frappé au coin du "bon sens terrien", des gags efficaces, des répliques qui font mouche (un recueil est même attendu à l’automne).

On les compare souvent aux Vamps, à la Madeleine Proust ou aux Deschiens. C’est de ces derniers qu’ils se sentent le plus proches.

"Les Bodin’s, c’est le bon sens des petites gens, ce sont des anti-héros", analyse Vincent.

Des dialogues qui lorgnent tantôt vers l’Almanach Vermot - "c’est au bal des pompiers qu’ton père m’a déclaré sa flamme" -, vers les brèves de comptoir - "les amis c’est comme les sous, quand on commence à plus pouvoir les compter, c’est qu’on en a de trop" - ou vers la gouaille d’un Michel Audiard - "quand les cons vont s’mettre à danser, t’auras pas froid aux pieds".

Après des années d’indifférence, les médias nationaux commencent à s’intéresser au phénomène des Bodin’s, parfois jugés un peu ringards mais suivis par un public fidèle. Le Monde leur a consacré un long article l’an dernier.

"La notoriété ne nous a jamais obsédés", reconnaît modestement Vincent. "Il nous a fallu près de 20 ans pour passer des petites salles des fêtes au Zénith. Aujourd’hui, avec l’émission The Voice, on peut devenir célèbres instantanément. Nous c’est l’anti The Voice !"

Les spectateurs, eux, en redemandent. "Un collègue de travail m’a prêté leur DVD, depuis on est accros", témoigne Claudine, venue de Caen avec son mari et ses jumeaux. "On les a vus au Palais des Glaces. Avec eux, on revient au naturel, on se vide la tête". "Naturel", "authenticité", "rigolade sans prise de tête", reviennent souvent dans la bouche des fans.

A la rentrée, les Bodin’s reprendront leur tournée avec leur spectacle "Retour au pays", qu’ils présenteront l’an prochain aux Folies Bergère, mais aussi dans toute la France, en Belgique, en Suisse, peut-être même au Canada.

Le cinéma leur fait de l’oeil, mais le théâtre garde leur préférence. Et pas question de laisser tomber Maria et Christian Bodin. "On a créé un univers bien à nous, on serait un peu bête de s’en séparer, non ’", sourit Jean-Christian.