Les Bodin’s, une saga bien d’chez nous

Courrier Picard

6 février 2015

Courrier Picard

Un couple mère – fils. La Maria, une vieille rurale, une vieille coriace à la dent dure et au cœur tendre ; Christian, son fils, 50 ans, une sorte de Tanguy des campagnes qui a du mal à quitter sa mère. Bienvenue chez les Bodin’s et dans le monde à la fois cruel et tendre de Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet. Complices depuis 20 ans, ils rencontrent un triomphe avec leurs personnages. L’explication de l’utilisation de « Face de bouc » (Facebook) par la Maria est devenue culte et sa vidéo a été vue plus de 7 millions de fois sur le net. Discussion autour du phénomène Bodin’s avec Vincent Dubois, alias la Maria.


Les Bodin’s et la recette du succès

« La longévité. Le duo existe depuis 21 ans, dans diverses aventures. C’est devenu une saga, les personnages sont des entités que les gens aiment bien et, comme le vin, ils se sont bonifiés avec l’âge. Le rire participe aussi au succès. Les gens nous le disent, et depuis longtemps : « en ce moment on a besoin de se marrer ». Et puis, les personnages des Bodin’s se sont étoffés en humanité et ils touchent les gens. »

Le retour au pays

« L’histoire de Retour au pays est la suite de Bienvenue à la Capitale. Le fils était parti pour fuir sa mère et vivre sa vie. Sa mère commence à s’ennuyer de lui. Elle lui fait croire qu’elle est au seuil de la mort et simule la maladie d’Alzheimer pour le faire revenir ; lui va se faire avoir comme un grand nigaud qu’il est. Sa mère donne les bons arguments pour qu’il y trouve son compte : elle lui fait miroiter qu’il va pouvoir reprendre la ferme familiale, monter une ferme-auberge, revenir à la campagne… C’est plus la campagne qui manque au fils Bodin que sa mère même s’il l’aime. Il a passé 50 ans dans ses jupes, il en avait marre les derniers temps ! »

Pas si péquenauds que cela…

« Dans nos spectacles, nous traitons l’actualité à la façon des brèves de comptoir. On s’aperçoit que les petites gens ont un bon sens à toute épreuve. Quand ils ramènent leur fraise sur l’actualité, le monde qui nous entoure, internet… ils ont finalement des sorties pleines de bons sens. C’est ce qui plaît aussi au public. Je tournais depuis cinq ans avec la Maria en solo lorsque j’ai rencontré Jean-Christian Fraiscinet – qui joue le fils Bodin et avec qui j’écris – dans un festival. Nous nous sommes aperçus que nous avions eu la même enfance, que nous riions des mêmes choses. Nous avons eu l’idée de fabriquer un fils à la Maria et le duo s’est imposé. Nous avons senti que nous pourrions faire de la comédie et traiter des rapports humains assez vicelards, avec beaucoup de nuances. Le duo mère – fils, c’est l’amour, la haine, tout cela très mélangé. Pour tout un chacun, il est beaucoup plus compliqué de dire « je t’aime » que de dire « tu m’emmerdes ». Dans la relation des Bodin, il y a des « tu m’emmerdes » qui veulent dire « je t’aime ». »

Vamps ou Deschiens ?

« Nous nous revendiquons beaucoup plus des Deschiens et de la Madeleine Proust que des Vamps. Cela ne nous fait pas très plaisir de faire référence aux Vamps même si c’est légitime à cause des stéréotypes comme le fichu. Nous avons beaucoup travaillé au début à « dévampiser » nos personnages. Notre inspiration c’est aussi notre vécu. Christian vient de la campagne berrichonne, moi de la Touraine, on a rencontré dans notre enfance des Bodin, des gens au fort caractère. Au fil de nos tournées, on s’aperçoit qu’il existe des Bodin partout ! »

L’exercice de l’écriture

« Entre le précédent spectacle et celui-là, nous avons tourné deux films : Mariage chez le Bodin’s et Amélie au pays des Bodin’s. Inconsciemment, nous avons construit Retour au pays comme un film. Quand nous travaillons, nous nous mettons autour d’une table en construisant un scénario le plus détaillé possible et nous nous interdisons d’écrire une seule ligne de dialogue. Une fois que la trame est bien ficelée (ce que l’on raconte, ce qu’il se passe entre les personnages, à quels moments ils se mentent, les non-dits, les rebondissements), nous faisons les dialogues et nous nous amusons à chercher les expressions à la Bodin, ces expressions un peu imagées qui sont devenues notre griffe. »

L’art d’improviser

« Après toutes ces années, nous incarnons les personnages. Quand on se maquille et qu’ils arrivent sur scène, nous les laissons faire et cela nous surprend parfois… La Maria va balancer un truc parce que moi, Vincent, j’aurais entendu quelque chose dans l’actualité qui va faire son chemin dans ma tête et Maria va faire sa sauce avec. Après chaque spectacle, nous débriefons pour garder ou non des choses. Au début, le spectacle faisait 1 h 35 nous en sommes maintenant à 2 h 14 ! Notre souci est de dégraisser régulièrement. Un spectacle n’est pas une succession de gags et souvent un gag peut en anéantir deux autres, il faut être vigilants. »

Quel avenir pour les Bodin’s ?

« Les Bodin’s grandeur nature indoor, une nouvelle aventure humaine avec quelque chose qui ne s’est pas trop fait jusqu’alors. Depuis dix ans, chaque été, nous jouons un spectacle dans une cour de ferme à Descartes, un village d’Indre-et-Loire. Nous allons l’adapter à des grandes salles et faire une tournée de 90 dates dans les Zénith, les parcs-expos, les grosses salles. Nous partirons sur les routes avec dix semi-remorques, les animaux, les dix comédiens. Ce sera comme un son et lumière mais indoor avec des artifices, des explosions, des animaux, de la machinerie… On retrouvera la Maria et son fils entourés de leur voisinage, notamment d’une jeune Julie qui vient de la banlieue parisienne et qui est placée chez une vieille tante pendant ses vacances parce que ses parents n’en viennent plus à bout. Et ce ne sera pas de tout repos pour les Bodin ! En avril, nous entrerons en création et la première sera donnée au Zénith de Nantes en septembre 2015. Ensuite, nous reviendrons en duo avec les Bodin’s. Avec eux, nous avons de quoi nous occuper ! »