Les Bodin’s : « On est les ambassadeurs des petites gens »

Le Progrès

23 décembre 2017

Le Progrès

En province, comme à Paris, les places de leur spectacle s’arrachent. Comme presque chaque année, les Bodin’s ont installé leur ferme pour deux représentations au Zénith de Saint-Étienne. « Un endroit qu’ils aiment bien. » Avant d’enfiler leurs habits de vieux garçon et de paysanne tyrannique, Jean-Christian Fraiscinet et Vincent Dubois, natures, sont venus échanger pendant une heure avec nos lecteurs de La Tribune-Le Progrès. Un échange animé par Martine Goubatian, dans la bonne humeur.


Jean-Christian Fraiscinet et Vincent Dubois connaissent bien Saint-Étienne pour s’y être produits régulièrement. La dernière fois, ils avaient été invités, le lendemain de leur spectacle, à assister à une rencontre à Geoffroy-Guichard. « Ils avaient remporté le match. On s’était régalé. » « Ne les enfoncez pas ce soir, ont supplié nos lecteurs. » Ce n’est pas gagné !

Robert Brot, Unias
Pendant tout le spectacle, Maria reste pliée. Comment gérez-vous le mal de dos ?

Vincent : « Robert, tu attaques bien ; c’est le prénom de mon père.

Si j’avais mal au dos, je ne pourrais pas jouer Maria. Au début, je ne comptais que sur ma jeunesse. Depuis qu’on a pris ce rythme de quatre spectacles par semaine, j’ai avec moi un préparateur physique qui me dispense un programme d’une demi-heure d’étirement avant et après le spectacle. Je fais aussi de la natation et des abdos. On a le grand privilège de faire un métier qui nous plaît. On fait rire les gens et ça n’a pas de prix même si parfois on est fatigués. »

Gisèle Pelazza, Saint-Étienne
Quel est le secret pour le dressage des animaux ?

Jean-Christian : « Des animaux sur scène, c’est très encadré. Un animalier nous suit et s’occupe de tout ce petit monde : la chèvre, le lapin, le lama, les poules. L’animalier a eu le cochon tout petit. Il lui a fait écouter la musique du spectacle. C’est avec le chien qu’il a rencontré le plus de difficultés. Il était tétanisé par les explosions qu’il y a pendant le spectacle. Le cochon est un être très intelligent. On le nourrit deux à trois fois pendant le spectacle. Trente secondes avant, il sait qu’il va jouer. »

Hervé Cattanéo, Bellegarde-en-Forez
Avez-vous des origines paysannes parce que vous maîtrisez bien le sujet ?

Vincent : « On est né à la campagne, Jean-Christian dans le Berry, moi, en Touraine. On n’est pas fils de paysans mais de parents nés à la campagne. Encore aujourd’hui, on habite dans nos villages d’origine. Des Bodin’s, on en a côtoyé. Notre inspiration vient de notre enfance. C’est elle qui détermine qui on est. On a eu la même tous les deux. On s’est connu dans un festival, on a travaillé rapidement ensemble sur un duo et on s’est rendu compte qu’on riait des mêmes choses. »

Jean-François Montagnier, Pouilly-sous-Charlieu
Avez-vous déjà présenté ce spectacle à l’étranger ?

« On joue en Belgique, en Suisse, dans toute la francophonie. Le rapport mère/fils est universel. À la Réunion, les mamans se reconnaissaient dans ce spectacle basé sur les expressions, le langage. Le Canada est demandeur. On pense à l’adapter avec d’autres comédiens en Italie et en Espagne. »

Jean-Pierre Thevenin, Saint-Étienne
On connaît peu votre parcours artistique. Quelles en ont été les grandes étapes ?

Jean-Christian : « J’ai intégré le conservatoire de théâtre à Tours où j’ai joué du Marivaux, du Molière. J’ai monté une compagnie avec un ami, créé plein de spectacles différents, plutôt d’humour. Après j’ai rencontré Vincent. »

Vincent : « Nous avons eu deux parcours très différents qui font que nous sommes complémentaires.

Lui a une formation classique. Il a la précision de la scénarisation.

Moi je suis plus dans les dialogues, les expressions. J’ai collectionné des boulots, ébéniste, ambulancier, j’ai travaillé à La Poste et, en parallèle, je faisais de la musique.

J’étais chanteur guitariste, je me produisais dans des cabarets. Entre les chansons, j’interprétais des personnages dont celui de Maria. Après le public venait plus pour ces sketches que pour m’écouter chanter. »

Marie-Anne Tomezyk, Montrond-Les-Bains
Comment faites-vous pour ne pas ridiculiser le monde rural avec vos sketches tout en faisant rire ?

« C’est une question qui revient souvent, surtout quand on joue à Paris. Les gens qui ne connaissent pas le monde rural peuvent penser qu’on le ridiculise. Alors que nous, nous pensons plutôt être des porte-parole, des ambassadeurs de ceux que l’on appelle les petites gens. On pense que l’on peut traiter de tout sans agressivité, sans blesser personne, c’est un vrai souci pour nous. Comme on vous le disait, on vient de ce monde-là. Pour nous, les Bodin’s ressortent vainqueurs du spectacle. Nos personnages ont une façon très fleurie de donner leur avis et les gens se retrouvent dans leur univers. Enfin, ceux qui devraient s’y reconnaître ont tendance à voir plutôt leur voisin (rires). »

Denise Boiron, Genilac
Est-ce que vous diriez que les Vamps vous ont inspiré pour imaginer ces personnages ?

« À nos débuts, on a beaucoup travaillé à « dévampiriser » nos personnages justement. Si on s’arrête au stéréotype de la blouse et du fichu, on peut trouver des points communs. Mais au niveau du contenu, c’est différent. Les Vamps sont citadines et font des sketchs, nos Bodin’s sont ruraux et notre spectacle est une pièce de théâtre. Sur le fond, les Bodin’s sont plus proches de Madeleine Proust ou des Deschiens. »

Marie John, Saint-Étienne
Pour quand un nouveau spectacle grimant nos gagas stéphanois ?

« Vous savez, dans chaque région, il y a des gens typiques. On a beaucoup travaillé à universaliser la pièce et nos dialogues, notre humour aussi. Si on veut exporter notre spectacle, on est obligé de le rendre drôle pour tout le monde. C’est un souci permanent. Notre victoire, c’est quand les gens nous demandent de quelle région viennent les Bodin’s. »

Noël Bourbon, Violay
Comment est née l’histoire des Bodin’s ? Qui a eu l’idée ?

Jean-Christian : « Vincent avait déjà créé le personnage de Maria avant que l’on se rencontre en 1993. Quand il était ambulancier, une vieille dame qui venait d’être renversée par une voiture l’a beaucoup inspiré. Après notre rencontre, on lui a créé un fils et l’histoire des Bodin’s était lancée. »

Vincent : « J’ai toujours eu une énorme tendresse envers les anciens. Je me sens bien à leurs côtés, ils me donnent de l’espoir et je m’amuse toujours avec eux. Maria est née comme une évidence. »

André Masson, Saint-Étienne
N’avez-vous pas envie de créer d’autres personnages ?

Jean Christian : « C’est une bonne question ! Même si on s’accorde de temps en temps des breaks pour jouer autre chose chacun de notre côté, on ne se lasse pas des Bodin’s. On se dit qu’on n’aura jamais assez de temps pour leur faire dire tout ce qu’on a envie. »

Vincent : « Peut-être que si nous n’étions qu’interprètes, nous serions lassés. Mais comme nous faisons tout, du scénario aux décors, en passant par les dialogues et la musique, on se régale toujours ! »

Les lecteurs tirés au sort pour rencontrer les comédiens des Bodin’s.

© Yves FLAMMIN