Christophe Gervais décrypte les Bodin’s

Charente libre

24 janvier 2014

Charente libre

Depuis 20 ans, Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet incarnent Maria et Christian Bodin : une vieille môman délicieusement méchante et son grand benêt de fiston.


Sur scène ou au cinéma, ce duo comique originaire du Centre remporte un succès fou. Leur sketch "Face de bouc" comptabilise plus de 6 millions de vues sur YouTube et leur spectacle "Retour au pays" affiche complet dans presque toutes les villes où il est annoncé. L’espace Carat n’a pas échappé à la règle : les billets pour les représentations de ce soir et de demain sont tous partis depuis plus d’un mois.

Pourtant les Bodin’s passent rarement à la télé. Un paradoxe sur lequel s’est penché Christophe Gervais dans son livre "Les Bodin’s, histoire de familles". Ce journaliste à La Nouvelle République, compatriote des comiques berrichons qu’il suit depuis leurs débuts, revient sur leurs 20 ans de carrière mais aussi sur leurs enfances respectives. Et selon lui la recette du capital sympathie des Bodin’s tient en deux mots : convivialité et simplicité.

En dédicace

Si vous ne faites pas partie des 4.400 spectateurs qui ont leur billet pour aller les voir à Carat, vous pourrez toujours aller rencontrer les Bodin’s cet après-midi à Auchan où les comédiens dédicacent leur livre à visage découvert. Un exercice que Vincent Dubois, alias la Maria, dit affectionner particulièrement. On l’a fait réagir aux propos de Christophe Gervais.

Ça vous fait quoi qu’on ait écrit un livre sur vous ?

Vincent Dubois. C’est une belle histoire. On a 20 ans d’aventure derrière nous qu’on a vécus la tête dans le guidon : le livre nous a permis de nous replonger dans nos archives. Et puis ça nous fera un support pour raconter notre histoire à nos petits-enfants.

Christophe Gervais définit votre humour comme "convivial", êtes-vous d’accord ?

Ah, j’aime bien ça ! Le spectacle parle à tout le monde et puis "convivial", c’est un adjectif qui définit aussi notre rapport avec le public. On n’est pas dans la peopolisation, on garde une relation saine avec les gens. Quand on sort dans la rue, on ne se fait pas arracher notre chemise !

Comment expliquez-vous l’affection que le public vous porte ?

Le temps a joué en notre faveur. On a mis 20 ans pour en arriver là où en est, on est l’antithèse de "La Star Ac"’, on a eu le temps de prendre de la bouteille. L’affection est due à cela : on est resté simple et facile d’accès. On prêche sur scène des valeurs qu’on a le souci de respecter aussi dans la vie.

Est-ce que les Bodin’s sont prêts à durer 20 ans de plus ?

Sans hésiter, oui ! On fait un métier qu’on adore. Beaucoup de gens voudraient bien être à notre place, on garde ça en tête.

Christophe Gervais parle de Maria comme d’une fausse méchante au grand coeur : est-ce un mythe qui s’effondre ?

Non, elle a la dent dure mais l’âme bien tendre. Quand elle est dure, c’est pour cacher des failles. Avant de châtier son fils, elle l’aime en fait beaucoup. Leur relation est compliquée, surtout pour le fils Bodin, mais comme toutes les relations humaines finalement.

À Auchan La Couronne, aujourd’hui (NDLR 25 janvier 2014) de 16h à 17h.

Pour votre livre, vous êtes allé jusqu’à interviewer les mamans des deux comédiens... Que vous ont-elles appris sur eux ?

Christophe Gervais. Ce qui était très drôle, c’était leur passé d’écoliers. On voit vraiment qu’ils n’étaient pas faits pour faire de longues études ! Petits déjà ils avaient des aptitudes à faire les clowns, on voit qu’ils ont eu très tôt ce goût pour la comédie. Ce qui est drôle aussi, c’est qu’ils ont eu la même enfance. Une enfance aimée, au milieu de leurs frères et soeurs, à la campagne. Et ça c’est super important : ils ont grandi dans la nature, au contact des gens de la campagne, avec des accents, avec ces caractères que les gens de la campagne peuvent avoir. Ils habitaient en plus pas très loin l’un de l’autre... Toutes ces similitudes, ça a contribué à faire l’osmose du duo.

Comment définiriez-vous l’humour des Bodin’s ?

C’est un humour qui n’est absolument pas vulgaire. Je dirais aussi que c’est un humour convivial. Au dernier spectacle qu’ils ont fait chez nous à Châteauroux, le plus jeune spectateur avait 4 ans et la plus ancienne, 103 ans ! C’est un humour intergénérationnel, à la portée d’un public familial, de gens de toutes les cultures. Ce n’est absolument pas communautariste comme humour.

Le duo fête cette année ses 20 ans de carrière : pourquoi cette longévité d’après vous ?

Leur longévité, et c’est paradoxal, vient du fait qu’ils n’ont pas été médiatiquement soutenus. Ils ont fait leur succès sur le bouche à oreille, ou plutôt sur "le bouche à orteil" comme dit Maria Bodin ! Ils ont commencé par des petites scènes, et les gens sont venus non pas parce qu’un journal ou la télé leur disaient d’y aller, mais parce que les copains leur conseillaient. Très peu d’artistes remplissent les zéniths sans jamais passer à la télé, ils n’ont pas le même plan com’ que Florence Foresti ou Jamel Debbouze. Ils ont mis du temps pour remplir les salles et aujourd’hui, comme dit Vincent Dubois, ils ont tous les avantages du succès sans les inconvénients. Ils ont aussi su bien s’entourer : s’ils devaient prendre la grosse tête, leurs familles les remettraient d’équerre !

Cette absence des grands médias, c’est un choix de leur part ?

C’est sûr qu’ils ne vont pas chercher à passer à la télé. C’est vraiment des anti-stars. Pour donner un exemple, il existe une page Facebook "Fans des Bodin’s" : quand c’est l’anniversaire de l’un des inscrits, les Bodin’s lui envoient un mot... Ils prennent soin de leur public, ils préfèrent ça aux plateaux télé. Et puis, ça les met mal à l’aise quand ils sont invités, ils ne savent jamais s’ils doivent y aller déguisés ou non. Ce n’est vraiment pas un exercice qu’ils recherchent et ce n’est pas de la fausse modestie de leur part mais juste de la simplicité.

Et vous, dans la famille Bodin, vous préférez Maria ou Christian ?

(Hésitation). Je suis un gars de la campagne, un Berrichon pure souche, alors j’ai une tendresse particulière pour la Maria, pour les valeurs qu’elle véhicule. Pourquoi dans le spectacle veut-elle que son fils revienne vivre avec elle ? Selon moi, c’est symbolique de ce qui se passe dans les campagnes : des veufs ou des veuves qui finissent souvent seuls. La Maria, elle n’ose pas dire à son fils qu’elle l’aime, alors elle use de stratagèmes. Des gens comme ça, j’en connais plein, ça aurait pu être ma grand-mère et ça me touche beaucoup.

"Les Bodin’s, histoire de familles". Aux éditions La Bouinotte, 13€, que vous pouvez commander sur le site des Bodin’s : Télécharger le Bon de commande pour hle livre Les Bodins, HISTOIRE de familles