« L’Olympia, un rêve de gamin ! »
Youhumour
Youhumour vous emmène en Touraine profonde à la rencontre d’un drôle de couple à la scène comme au grand écran. Ils se nomment Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet et interprètent les Bodin’s, mère et fils. Entretien avec l’un d’entre eux Vincent Dubois, alias Maria Bodin, qui nous explique qui sont les Bodin’s et d’où viennent-ils. Entretien...
Bonjour Vincent, peux-tu nous présenter les Bodin’s ?
Je suis Vincent Dubois et je joue le rôle de Maria Bodin, cette vieille dame de 87 ans, acariâtre, à la main leste et à la dent dure mais malgré tout au cœur tendre. Elle a gardé dans ses jupons son vieux fils de 50 ans, interprété par Jean-Christian Fraiscinet. Ils vivent donc ensemble dans un coin reculé de la Touraine profonde. Tout doucement, le fils prend son envol mais à chaque fois, sa mère le rattrape par les bretelles.
Possessive la Maria ?
Carrément ! Elle a perdu son mari très tôt et donc a jeté son dévolu sur son malheureux fiston. Et ce qu’ils vivent au quotidien, on en a fait quelque chose de burlesque. On a puisé notre inspiration de là où on vient, la campagne. Jean-Christian est Berrichon et moi je viens de Touraine. Dans ces régions là, il y a beaucoup de mères et de fils Bodin. Et ce qu’ils vivent au quotidien est beaucoup moins drôle que ce que l’on en a fait.
Les Bodin’s ont-ils toujours été deux ?
Moi, j’ai démarré tout seul avec ma guitare et mes chansons, dans lesquelles je faisais parler des personnages comme Maria. Ensuite j’ai écrit un spectacle solo avec le personnage de Maria. J’ai pas mal tourné dans des bars et des villages vacances. Puis est venue la rencontre avec Jean-Christian dans un Festival. Nous nous sommes très vite aperçus que l’on avait beaucoup de points communs dans le vécu comme dans l’humour, alors on a décidé de travailler ensemble.
Aujourd’hui, plus de 50 personnes travaillent pour les Bodin’s…
A la Ferme des Souchons à Descartes, oui. Sinon, on est une dizaine en tournée.
La Ferme des Souchons, cette fameuse ferme que vous remplissez chaque été ?
Oui mais c’est un spectacle qui n’a rien à voir avec les autres. Il s’agit des « Bodin’s, Grandeur Nature » qui a lieu tous les étés en Touraine, dans une ferme pouvant accueillir près de 900 personnes. Pendant le mois de juillet, 20.000 spectateurs viennent nous voir et cela fait 5 ans que l’on joue à guichets fermés.
Et y a t-il des Bodin’s parmi les 20.000 spectateurs ?
Bien sûr qu’il y a des Bodin’s dans les gradins ! Mais ce qui est drôle, c’est qu’ils ne se reconnaissent pas forcément. En revanche, ils reconnaissent leurs voisins. Mais je tiens tout de même à dire une chose. Dans nos spectacles comme dans notre film, il n’y a aucune méchanceté contrairement à ce que pensent certains journalistes. Nous, on est des enfants de la campagne. On a fait un film burlesque certes, mais il y a plus de tendresse qu’autre chose dedans.
20.000, c’est quand même énorme ! A quand les Bodin’s au Stade de France ?
(Rires) Quand Maria Bodin saura jongler ! Je pense que nous sommes confrontés à ça dans la tournée actuelle. On a limité le Zénith à 2.500 places. Après si on veut faire un truc à la dimension du Stade de France, il faudra faire un spectacle comme celui de la Ferme des Souchons. C’est à dire un spectacle grandeur nature avec des animaux et tout le reste, mais cela demande des moyens. Et ça, on a envie de le réserver à nos terres pour l’instant.
Vous avez également joué votre spectacle dans plusieurs pays comme la Belgique, la Suisse et même des pays africains !
Oui mais ça reste des pays francophones ! C’est quand même un spectacle avec des expressions… On serait incapables de jouer en Roumanie par exemple, sauf pour un centre culturel français. Par contre, nous nous sommes aperçus en jouant en Afrique, dans les Dom Tom ou en Suisse que ce rapport mère fils des Bodin’s était universel. En particulier à la Réunion où des personnes sont venues nous dire qu’ils connaissaient des Bodin’s créoles.
Et puis vous avez rempli l’Olympia en septembre dernier…
C’était un rêve de gamin. Ça fait plus de 20 ans que je fais ce métier et même si j’ai pas mal ramé, j’ai toujours pris beaucoup de plaisir parce que j’ai toujours pris ça comme un cadeau du ciel. Mais depuis quelques temps, c’est noël tous les jours pour nous. Sans qu’on n’ait jamais eu à trahir notre public ou nous-mêmes. Se retrouver comme ça petit à petit sur les planches de l’Olympia, cette salle mythique… C’est l’antithèse de la Star Accademy ! Ça nous a secoué, le lendemain, on s’est même demandé si on n’avait pas rêvé.
Parlons un peu de votre film, qui a réalisé un carton en 2008, à son échelle bien sûr. Il se retrouve même classé derrière « Bienvenue chez les Ch’tis » en terme de rentabilité…
Nous sommes les premiers étonnés par ce classement. Ce film est né d’une rencontre avec le réalisateur Eric Le Roch qui nous a vus au Palais des Glaces il y a deux ans, avec notre dernier spectacle « Les Bodin’s, bienvenue à la capitale ». Éric est sorti du spectacle persuadé que les Bodin’s étaient des personnages de cinéma. Il a eu l’idée d’un film réalisé à la manière de l’émission Strip-tease sur France 3. On a réuni un peu d’argent (ndlr : 94.000 euros) et on a tourné le film en été 2007. Il est sorti en avril 2008 en région Centre avant de faire son tour de France. Nous nous sommes très vite retrouvés avec plus de 100.000 spectateurs. On a donc rapidement rentabilisé le film, c’est à dire dès les avant-premières.
Mais alors que manque-t-il aux Bodin’s pour avoir la grosse tête ?
Il nous manque rien. Au contraire, c’est si on commence à prendre la grosse tête qu’il risque de nous manquer quelque chose. Une des raisons pour lesquelles on garde les pieds sur terre, en espérant que cela continue, c’est qu’on a mis du temps à arriver là. Et puis on a pas à frimer de ce qui nous arrive. Ce sont quand même les gens qui nous ont amenés là. La seule chose dont on peut être fiers, c’est que l’on continue à faire notre travail.
Ce n’est donc pas demain que l’on verra les Bodin’s dans la presse People…(
Rires) On ne peut jurer de rien ! On sait très bien que la presse peut s’emparer de certaines choses que nous ne pouvons pas maîtriser. Jusqu’alors, on a essayé de le contrôler. Quand Canal+ et Michel Denisot nous ont invités sur leur plateau lors de la soirée des César, on était super heureux parce que cette émission faisait partie de celles que l’on voulait vraiment faire. On n’aurait pas accepté « la méthode Cauet » par exemple… Je n’ai absolument rien contre Cauet mais ce genre d’émission est trop casse-gueule. On a mis du temps à tricoter les Bodin’s alors pourquoi prendre le risque de tout sacrifier devant des millions de téléspectateurs pour une émission ?
En parlant des César, si la comédie avait sa place à la cérémonie, tu es au courant que votre film aurait été nommé aux côtés des ch’tis ?
(Rires) Peut-être ouais… Je pense qu’on y serait allé sans se la péter comme à Canal+. Si le métier nous décerne une récompense pour ce que l’on a fait, cela nous remercie certes, mais le public également. Après pour en revenir à la création d’un César de la meilleure comédie, ça me semble indispensable ! Dans le cinéma, à chaque fois que les foules se sont déplacées vers le grand écran, c’était pour rire.
Un prochain long-métrage au programme ?
On a terminé l’écriture du prochain film en janvier dernier et si tout se passe bien, il devrait être tourné en septembre, avec cette fois-ci plus de moyens. On est parti dans un film plus moderne et assez onirique, un peu à la Tim Burton. C’est le monde des Bodin’s vu par la petite fille Bodin qui vient de naître. Avec Eric Le Roch et Jean-Christian, on a élaboré le scénario. On a ensuite travaillé les dialogues avec Jean-Christian. On n’a pas encore de titre, mais il y en a quelques uns de provisoires comme « Les Bodin’s et compagnie » ou « Le fabuleux destin d’Amélie Bodin ».
La modernité n’est donc pas incompatible avec les Bodin’s ?
Avec notre dernier spectacle « les Bodin’s, bienvenue à la capitale », on s’est aperçu que les Bodin’s n’avaient pas tout dit chez eux, dans leur ferme. Ils ont encore plus à dire si on les confronte à la modernité. En amenant Maria Bodin à Paris par exemple, et en la confrontant aux transports en commun et à la petitesse des appartements, il naît des situations vraiment burlesques. Ça nous a ouvert pas mal de portes.
Pourquoi une ville comme Paris ne peut vraiment pas correspondre au mode de vie des Bodin’s ?
D’abord par l’éloignement de la nature, parce que ce sont des gens qui ont besoin d’elle pour vivre. Et puis Paris est enclin au stress et à une sorte d’agressivité. Dans Maria Bodin, il y a un bout de moi, et j’avoue qu’une ville comme Paris écorche un peu ma sensibilité de gars de la campagne. Quand je suis en tournée, j’accepte de vivre à Paris parce que je sais que ce n’est pas chez moi.
Et la capitale écorche-t-elle votre sensibilité artistique ?
Non parce que c’est comme le métissage des peuples. La confrontation d’un univers très différent, bien sûr ça secoue. Mais quand on est auteur c’est ce genre de choc qui fait naître des choses.
Un programme court sur les Bodin’s a-t-il déjà été à l’étude ?
On a fait il y a quelques années un programme court qui s’appelle Web Cam chez les Bodin’s. Le principe était, dans un format à la « deschiens », une webcam planquée dans le buffet de la cuisine, et dès que les Bodin’s ouvraient leur placard, ils s’adressaient au monde entier en déballant leurs coups de cœur et leurs coups de gueule. On a fait 18 pilotes. M6 était intéressé, puis Canal+, mais c’était visiblement compliqué d’intégrer cette mini-série à une grille de programme. L’affaire a trainé et finalement on a intégré ces pilotes au DVD d’un précédent spectacle dans une rubrique bonus.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Que l’histoire dure ! Parce que dans notre métier, ce n’est pas évident.
Que l’histoire dure mais toujours avec les Bodin’s ?
Avec les Bodin’s, on a des retours énormes. Mais avec Jean-Christian, on explore déjà d’autres personnages. On a des opportunités de seconds rôles au cinéma. On a tourné dans les « Maupassant » de Gérard Jourd’hui, j’ai tourné dans « Pour elle » avec Vincent Lindon et Diane Kruger. Ce ne sont pas de grands rôles mais dès qu’on peut s’échapper un peu des Bodin’s, on le fait volontiers.
Pourquoi ? Est-ce une nécessité ?
On s’est rendu compte avec Jean-Christian qu’il fallait que l’on fasse des choses chacun de notre côté, pour que l’on garde l’envie, la complicité en écriture et tout le reste. C’est assez saint. Cela nous permet d’être heureux lorsque nous nous retrouvons. Tu sais, c’est très fragile la vie d’un duo. Aussi fragile, sinon plus, que la vie d’un couple.
Un dernier mot Vincent ?
Notre fil rouge permanent, c’est que les gens continuent de nous dire merci pour tout ce qu’on leur apporte. Mais nous, on les remercie pour tout ce qui nous apporte. Il y a peu de temps, j’ai reçu une lettre de quelqu’un qui était très malade et qui nous disait que l’on avait beaucoup compté dans sa guérison. Ça, ça me suffit déjà…