Entre tendresse et férocité

Nord Eclair

25 mars 2009

Nord Eclair

Les Bodin’s, c’est une plongée hilarante dans le monde rural. Dans leur spectacle « Bienvenue à la capitale », la mère revêche et le fils benêt débarquent à Paris pour le meilleur et pour le pire. Interview de Vincent Dubois, alias Maria Bodin.


« Bienvenue à la capitale » est déjà votre cinquième spectacle depuis 1994. Quel recul avez-vous sur votre aventure ?

>> On a fait les choses à notre rythme. Quand j’ai rencontré Jean-Christophe, j’avais déjà cinq ans d’expérience de one man show avec le personnage de Maria Bodin. On a eu envie de faire un duo et de donner un fils à la Maria. Celui-ci est resté dans les jupons de sa mère. Jean-Christophe et moi sommes issus d’une enfance campagnarde, nous parlons des mêmes choses. C’était donc l’occasion de confronter ces personnages de la terre qui ont un bon sens à toute épreuve.

Dans ce spectacle, le fils entame une nouvelle vie...

>> C’est le premier spectacle où il y a une séparation. On sort surtout les personnages de leur autarcie agricole. On a longtemps pensé - et c’était une erreur - que ces personnages ne feraient rire que s’ils restaient dans leur ferme. Le fait de leur faire découvrir la modernité, ça ouvre des portes énormes. On se demande même comment on a pu ne pas le faire avant.

Aviez-vous une mère possessive ?

>> Pas du tout. On s’inspire de gens et de choses qu’on a vus. Et des couples mère-fils dans nos campagnes, il y en a beaucoup (Rires).

Peut-on dire que chez vous la tendresse se mélange à la férocité ?

>> C’est une belle définition de ce qui se passe sur scène avec le couple mère-fils. On n’est jamais moqueur gratuitement. Les gens de la campagne ont la dent dure avec eux-mêmes.

Comment expliquez-vous que vous soyez rares à la télévision ?

>> Au départ, c’était un peu un choix. Quand on a commencé à jouer au Palais des glaces à Paris, les premiers attachés de presse avaient envie de faire de nous les nouvelles Vamps. À part le stéréotype du fichu sur la tête de Maria, ce n’est pas le même contenu. On écrit des pièces, pas des sketches. On a donc évité d’aller faire les couillons sur les plateaux de télé. On n’est plus des artisans, on est passé des salles des fêtes aux Zénith grâce au bouche-à-oreille.

Êtes-vous à votre aise quand vous montez à Paris ?

>> On ne crache pas dans la soupe. Quand on est comédien, il y a plein de choses à y faire et à y voir. J’ai du mal néanmoins à supporter le rythme, le stress ambiant et, plus particulièrement, l’agressivité qui se dégage de cette ville. J’ai rarement eu l’occasion en sortant de ne pas voir quelque chose de violent.

Quelle conclusion tirez-vous de votre expérience cinématographique (« Mariage chez les Bodin’s », ndlr) ?

>> On peut dire merci à Dany Boon parce que notre bande-annonce a été projetée en même temps que le triomphe de Bienvenue chez les Ch’tis. Et comme on défend à peu près les mêmes choses - le rire, une certaine simplicité et la victoire des petits gens - ça était une chance inouïe. Notre film s’est classé au 2e rang, entre les Ch’tis et la Palme d’or à Cannes (Entre les murs, ndlr), des longs-métrages les plus rentables en 2008. On avait 120 000 spectateurs avec 15 copies pour un coût de 96 000 €.

Chaque été, vous vous produisez dans une ferme tourangelle devant 20 000 spectateurs. Êtes-vous des stars là-bas ?

>> Peut-être, mais intercommunales alors (Rires). À la ferme, il y a des spectateurs qui viennent de partout. Honnêtement, on ne ferait pas 20 000 personnes qu’avec des gens de la région Centre. Depuis trois-quatre ans, notamment grâce à ce spectacle et au film, on est en train de passer à la vitesse supérieure. Finalement, on a tous les avantages des stars sans en avoir les inconvénients.

Le prochain spectacle est-il déjà dans la tête ?

>> On a déjà des notes dans nos tiroirs. On a terminé aussi l’écriture du nouveau film qui va être tourné à la fin de l’année.

Vous ne connaissez donc pas la crise...

>> Pas vraiment. (Rires) On est à 90 % de taux de remplissage sur la tournée et à 500 000 DVD vendus.

PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DEMAILLY > patrice.demailly chez nordeclair.fr