Les Bodin’s entrent en campagne
Dans « Retour au Pays », ce soir, à la Gare du Midi, le duo d’humoristes fait vivre de nouvelles aventures aux Bodin’s. Entretien avec Vincent Dubois, alias Maria Bodin.
Bienvenue chez les Bodin’s, mère et fils. Ce couple infernal, joué par Vincent Dubois (la Maria) et Jean-Christian Fraiscinet (le fils Christian), fait étape à Biarritz ce soir. Avec « Retour au Pays », le succès du duo ne se dément pas. Vincent Dubois s’en réjouit.
« Sud Ouest ». Vous êtes de retour à Biarritz. Quel souvenir gardez-vous de votre dernière représentation ici ?
Vincent Dubois. Nous avions joué ici il y a cinq ans. Cela s’était bien passé, mais on sent que les Bodin’s doivent encore se faire connaître à Biarritz. Ce n’est pas tout à fait complet, car nous ne sommes pas venus souvent dans ce coin.
Vous multipliez les dates et les grandes salles en France. Comment vivez-vous ce succès ?
Très bien, d’autant que nous représentons l’antithèse du phénomène Star Academy. Ce succès ne nous a pas sauté à la gorge. Il s’est construit petit à petit, jusqu’à ce que nous jouions dans des Zéniths, sans passer très souvent à la télé. Nous sommes fiers de cette progression, basée sur le bouche-à-oreille. Elle nous correspond bien.
Nous avons des potes qui font beaucoup de télé mais, dans les salles, cela ne marche pas très bien. On ne berne pas longtemps le public… D’ailleurs, ce serait bien que politiques le comprennent.
En apparence, les Bodin’s sont rustiques et parfois étanches au progrès… Quels messages cela vous permet-il de faire passer ?
Nous voulons juste que cela parle au public. Les messages qui restent sont ceux que l’on dit simplement, avec du bon sens. Par exemple, la Maria Bodin se frotte à Facebook et prétend que cette « réunion d’amis » sans entrecôte et sans accordéon est un peu étrange. Elle montre ainsi que cet outil, fait pour communiquer, est finalement devenu un outil de non-communication. Je ne veux pas dire à mes enfants de ne pas aller pas sur le Net, mais je dois les aiguiller.
Dans notre spectacle, les messages sont nombreux et variés. Je pense par exemple à cette scène touchante : Maria se rend sur la tombe de son mari et se demande si la Toussaint n’a pas été inventée par Interflora.
Les Bodin’s existent depuis 20 ans et sont restés des ruraux. Cette spécificité vous permet-elle d’entretenir un lien avec la campagne, où vous vivez toujours ?
Jean-Christian (Fraiscinet) a ses attaches dans le Berry ; moi, dans la région des châteaux de la Loire. Nous avons toujours vécu à la campagne et nous avons longtemps pensé que nos personnages n’étaient intéressants et comiques que chez eux, en autarcie. C’était une erreur, car les confronter à la modernité est une bonne idée. Ils peuvent dire tout haut ce que les gens pensent tout bas. Nous rebondissons également sur l’actualité. En ce moment, l’affaire Cahuzac s’impose.
Une affaire évidemment évoquée avec les mots des Bodin’s…
Ils ont leurs propres expressions. C’est notre griffe. Et les gens aiment beaucoup. Nous ne sommes pas des Stéphane Guillon ou des Didier Porte.
Après 20 ans passés dans la peau des Bodin’s, n’avez-vous pas peur de ne plus rien avoir à leur faire dire ?
Nous avons le sentiment inverse. Plus ça va, plus ils se mêlent de tout. Et puis, les personnages ne prennent pas d’âge. La Maria Bodin a 87 ans depuis 20 ans, contrairement à nous. Personnellement, je suis devenu le papa de deux grandes filles, j’ai un peu plus de recul, plus de bouteille aussi… Et à force de jouer les grands-mères, je finis par devenir grand père.
Sans le succès de leurs aventures cinématographiques (2008 et 2010), les Bodin’s auraient-ils connu pareille réussite sur scène ?
Il est vrai que le cinéma nous a offert d’être connus par d’autres publics. C’est aussi à cette époque que les professionnels ont été obligés d’admettre que, dans ce métier-là, ce qui nous arrivait était assez rare. Et les comédiens qui tentent d’adapter leurs aventures scéniques sur grand écran se retrouvent souvent à la peine ; ce fut le cas pour Shirley et Dino. Nous sommes donc très fiers d’avoir réussi ce pari.
Votre humour est-il comparable à celui des Vamp’s, des Chevaliers du Fiel ou du Duo des non ?
Nous les aimons tous. Et nous nous sentons plus proches de Madeleine Proust ou des Deschiens. Les Chevaliers, eux, proposent une écriture très efficace, mais sont davantage dans la succession de sketchs. Ils jouent aussi le sur côté régional, avec leur accent du Sud-Ouest très prononcé. De notre côté, nous tâchons d’universaliser le propos. Nous ne voulions pas quelque chose de trop patoisant, cela ferme des portes. Mais au final, nous nous inspirons plus du cinéma - notamment celui d’Audiard - que du spectacle vivant. Les Vamp’s ou les Chevaliers utilisent par ailleurs le ressort des cancans, ce qui n’est pas trop notre cas. Notre duo aurait plutôt tendance à fonctionner comme Laurel et Hardy : l’un donne des claques, l’autre les reçoit.
C’est votre ressort ?
Cela fait partie de nos caractéristiques, sachant que nous mettons aussi en avant, comme le Duo des non, les petites gens. Des antihéros. Car ce sont des personnes qui défendent le bon sens. Longtemps, nous avons pourtant cru que ce bon sens appartenait aux campagnards. C’est une erreur. Car la brève de comptoir, plutôt citadine, peut être pleine de bon sens également.
À qui parle votre humour ?
Il rassemble des spectateurs d’horizons très différents. Des gamins de 5 ans connaissent certaines répliques par cœur, et il y a beaucoup de papys à qui ça cause. Des enfants aux personnes âgées, en passant par les ados et les adultes, notre public est varié. Les humoristes susceptibles de réunir toutes les tranches d’âge ne sont pas si nombreux. Quand on voit Gad (Elmaleh) ou Dany (Boon), qui sont deux bons copains, on se rend compte que leurs publics respectifs affichent une moyenne d’âge clairement définie.
Biarritz n’est pas une ville où l’on s’habille comme les Bodin’s, ni un repère de paysans. Cela peut-il jouer sur l’engouement du public ?
Nous ne sommes plus dans les préjugés par rapport à cela. Au début de l’aventure Bodin’s, nous pouvions penser cela, Jean-Christian et moi-même. Pour nos premiers spectacles, c’était sans doute un peu le cas, d’ailleurs. Mais aujourd’hui, nous pouvons tout à fait accueillir des Parisiens qui n’ont jamais vu une fourche de leur vie. Ils rient aussi.
Pour venir nous voir, une carte du Salon de l’agriculture n’est donc pas nécessaire.