Les Bodin’s : Par la volonté de l’esprit… sain
Le Républicain Lorrain
Les Bodin’s, Grandeur Nature, à guichets fermés, au Galaxie, un soir de tempête de neige, par la volonté de l’esprit « sain ». Une prestation désopilante qui a attiré plus de 4000 fidèles transcendés par les effets euphorisants de cette grande messe improvisée dans la cour d’une ferme totalement reconstituée pour la circonstance. Âne, chien, poules, chèvres et cochon en liberté, dans un décor champêtre, suffisamment évocateur pour favoriser la mise en lumière de deux talents exceptionnels.
Vincent Dubois et Jean Christian Fraiscinet, réincarnés en Maria, vieille mère tyrannique, et Christian, son fils, grand benêt en quête de sécateur pour couper définitivement le cordon ombilical le reliant à cette veuve octogénaire acariâtre. Plus de deux heures de scènes de ménage électriques dans le droit fil des scénarios les plus décoiffants. Une écriture à la Audiart, avec des jaillissements empreints de réalisme et de poésie, à la sauce Desproges. Oscillant entre les Vamps et les Deschiens, les Bodin’s se sont installés dans le cœur des Français comme les dignes héritiers des Coluche, Bourvil, Fernand Raynaud et autres saltimbanques échappés du Café de la Gare. Un succès inattendu et pourtant construit, avec passion et patience, par ces deux comédiens atypiques. « Nous nous inspirons de cette France bien enracinée, avec ce bon sens qui fleure la campagne, avoue Jean-Christian Fraiscinet qui, de son Berry natal a gardé la simplicité du propos et la lucidité d’un enfant de terre ».
De la campagne à la ville
Chaque été, depuis dix ans, le village de Descartes, dans la région tourangelle, leur sert de cadre original pour accueillir tous les soirs, un millier de spectateurs qui prennent place en plein air, dans une vieille ferme désaffectée, transformée, pour les besoins de la cause, en un théâtre à ciel ouvert. C’est ainsi qu’au milieu des animaux, ces deux saltimbanques laissent libre cours à leurs aspirations, humeurs et inspirations. Ne comptant que sur leur propre énergie et sur la complicité d’une bande de copains, ils vont rapidement retenir l’attention d’un producteur qui, sans leur imposer le moindre cahier des charges, leur propose, le restant de l’année, de parcourir la France afin de présenter, en duo, leur « two men show » inspiré d’un « Amour est dans le pré » revu et corrigé. De tournée en tournée, ils vont se forger une réputation sulfureuse qui les propulse en tête du box-office. Quand les Bodin’s sont à l’affiche, les salles se remplissent en un éclair. Un véritable phénomène de société parfaitement maîtrisé par ces deux comiques travestis qui décident alors de passer la surmultipliée pour transporter leur propre ferme dans les plus grandes installations de France. Un pari risqué avec cinq semi-remorques sur la route, pour transférer, de la campagne à la ville, cette impressionnante structure dans les meilleures conditions. Fini le duo intimiste, place à cette équipe de soixante personnes qui envahissent les parterres des Zénith ou autre Galaxie pour reconstruire, date après date, cet univers gigantesque, « plus vrai que vrai », conçu par le décorateur de Luc Besson et par l’équipe vidéo de Johnny Halliday. « Cheyenne, notre société de production, nous a fait confiance et a mis les petits plats dans les grands pour protéger l’authenticité de notre démarche. Un bonheur incommensurable de pouvoir ainsi évoluer dans de telles conditions devant un public de 4 à 5000 spectateurs »
A Amnéville en mars 2018
Résultat de cette mutation exponentielle, un show unique qui dépasse les fantasmes d’un metteur en scène déjanté pour créer une atmosphère chaleureuse, au cœur de laquelle le partage des émotions se traduit en éclats de rire incessants sous des rafales d’applaudissement déclenchées par les jeux de mots, les accents et les calembours de ces magiciens de l’autodérision. Épinglant au passage, dans un « bébête show » réactualisé, le monde impitoyable des politiciens de tout crin, en affublant les animaux, présents sous les projecteurs, de patronymes familiers. Jean Marie, le cochon borgne affalé dans enclos, Copé, Mélanchon et Fillon, les dindons de la farce, Flambi le coq émoustillé de la basse-cour, Nicolas le coquelet déplumé, qui atterrit dans une cocotte frémissante pour être mitonné aux petits oignons, Bernadette, la pauvre biquette épuisée par DSK, le bouc lubrique, Carla et Ségolène les chèvres infatigables qui assurent à elles seules la production laitière, permettant de produire des fromages à faire pâlir d’envie Navarro, l’âne paisible ou Ratatouille le chien, roi des embrouilles. Avec une pensée bien appuyée pour Cahuzac, lors de l’inspection du contrôle vétérinaire… Une vitrine à peine caricaturale des turpitudes de la politique, mais surtout une vision tellement réaliste du monde agricole du siècle dernier, qui fera l’objet d’une nouvelle double représentation, déjà programmée pour les 24 et 25 mars 2018 au Galaxie d’Amnéville. Mais avant ce retour attendu, il y aura une création sur M6, des virgules acidulées sur France 2 et peut-être un troisième film ; « en 2008 nous avions décroché la médaille d’argent des films les plus rentables derrière les Ch’tis. Nous aimerions cette fois aller encore plus loin avec Vincent ». Un projet qui ne fera pas d’ombre à une réécriture attendue du spectacle en 2019, avec peut-être, entre temps, un retour provisoire à une formule allégée. « Nous voudrions retourner en duo, dans des régions qui nous ont fait confiance dès le début et qui n’ont malheureusement pas aujourd’hui d’espaces adaptés à notre nouvelle configuration ». Un juste retour des choses et une belle marque de gratitude et de respect des Bodin’s vis à vis de leur public.
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© V. Joncheray
- Les Bodin’s à visage découvert.
© V. Joncheray
Texte : Christian MOREL
Photos : V. Joncheray